
La vie de Carl Gustav Jung
Jung est né en juillet 1875 en Suisse allemande, au sein d’une famille de tradition cléricale du côté de son père pasteur et de tradition médicale du côté de sa mère férue d’occultisme et de spiritisme. Il voit dans cette double filiation l’origine de ses « deux personnalités ». La personnalité 1 « consciente, conventionnelle et inoffensive ». La personnalité 2 «inconsciente…obscure, redoutable ».
Alors que son père est affecté comme aumônier à la clinique psychiatrique universitaire de Bâle, il découvre ses lectures sur les maladies mentales. Sujet à de nombreuses syncopes inexpliquées il se penche sur la notion de névrose et sur les lectures de philosophes : Hartmann, Nietzsche, Goethe, Schopenhauer, Kant, Hölderlin… Les mythes de tous les pays et de toutes les cultures deviennent ses thèmes de prédilection.
En 1895, son père décède brutalement d’un cancer et Jung, intronisé chef de famille, s’inscrit à la fac de médecine de Bâle où il étudie l ‘anatomie et la physiologie, mais ce sont l’archéologie et l’anthropologie qui l’intéressent particulièrement. Il obtient son diplôme en septembre 1900.
Vers la fin de ses études, ses lectures de Krafft-Ebing et ses thèses sur la sexualité le poussent à choisir la Médecine psychiatrique comme spécialité. Mais alors que la psychiatrie ne s’intéresse pas du tout aux phénomènes « occultes », il choisit pour sa thèse, de s’intéresser à une jeune médium, Hélène Preiswerk. Lorsqu’il s’inscrit à l’Université de Zurich en 1900, Jung est engagé par Eugen Bleuler à la clinique psychiatrique universitaire.
Sa rencontre avec Freud
Jung lit « L’interprétation des rêves » en 1899. L’ouvrage le passionne. Il se rend compte qu’ils en sont tous deux arrivés aux mêmes conclusions à partir d’un travail sur les associations.
Les deux hommes échangèrent près de 360 lettres en l’espace de huit ans et Freud le désigna comme son « fils et héritier scientifique », comme son « dauphin ». Jung devint alors membre de la Société Psychanalytique de Vienne et créa son propre cabinet d’analyse.
Freud se situait dans une lignée biologiste, Jung s’intéressait à l’hypnose et au spiritisme que Freud jugeait inintéressants. La théorie de Freud était basée sur l’aspect sexuel de la libido. Ce qui choquait Jung qui le questionnait : « mais alors, la culture ? ». « La culture n’est que la mascarade du refoulement et de la sublimation » répondait Freud.
Jung quand à lui s’intéressait de plus en plus profondément aux mythes et à la question du sacré. Il découvrait d’autres dimensions débordant largement l’histoire personnelle de l’individu. Et il se démarqua peu à peu de la conception exclusivement pansexuelle de Freud.
Il trouvait cette vision réductive et considérait que gît au fond de chacun d’entre nous quelque chose qui passe de génération en génération et oriente notre vie. Pour Carl Gustav Jung, quelque chose dans l’homme est perpétuel, infini, immuable et trouve le moyen de surgir dans sa réalité à des moments singuliers de la vie.
Cette découverte l’amena à décliner la notion d’un « inconscient collectif » constitué d’archétypes et qui serait commun à la nature humaine. Voir article sur les archétypes et l’inconscient collectif. C’est ici.
Ce qui distingue la pensée de Jung de la pensée de Freud
Pour Freud, c’est le MOI qui est au centre de la psyché, entre le ÇA (les pulsions refoulées) et le SURMOI (qui exerce la censure contre les pulsions instinctives condamnées par la culture familiale et dominante). Pour Freud, l’inconscient est dangereux et difficile à approcher.
Pour Jung, le centre de la psyché, est le SOI, archétype central de la personne psychique ; il englobe le conscient et l’inconscient.
Jung manifeste un grand respect pour l’inconscient, cette énorme force qui est aussi ce qui nous relie au mystère, à « ce qui est plus grand que nous »: « le royaume de Dieu ( il faut entendre « ce qui est sacré ») est au-dedans de nous, il faut dialoguer avec ».
C’est par ce dialogue intérieur que l’on enrichit la conscience.
Nous pourrions dire que se construit une sorte de dialectique entre conscient et inconscient qui dessinerait peu à peu une vérité et un chemin de vie de qualité.
C’est par ce dialogue intérieur, que nous est donnée l’opportunité d’advenir à qui l’on est et à trouver notre véritable place parmi les autres. Jung nomme ce processus : l’individuation.
Freud et Jung étaient aussi en désaccord à propos du transfert. Même s’ils envisageaient tous deux ce concept, Freud pensait que, pour qu’il se produise, il devait y avoir une certaine asymétrie dans la relation. L’analyste servait d’objet, d’écran vide, sur lequel le patient pourrait transférer fantasmes, figures représentatives de son histoire, etc.
Jung , basant ses réflexions sur sa connaissance de l’alchimie, estimait que la relation thérapeutique illustrait la métaphore de deux corps chimiques différents qui, mis en contact, se modifieraient mutuellement.
On comprend mieux alors, que la question du divan les ait aussi séparés: pour Freud il était essentiel de laisser l’analyste hors de la vue du patient alors que Jung prônait le face à face et la relation directe constante.
Freud finissant par voir en Jung un « dissident » le fit bannir officiellement en août 1912. Pour officialiser cette rupture qui le fit plonger dans une dépression profonde, Jung présenta au XVIIe congrès international de médecine à Londres sa nouvelle approche qu’il nomma « psychologie analytique » la distinguant ainsi de la psychanalyse de Freud.
Il entrait dans une intense période d’introspection et de recherche.
Il voyagea beaucoup se rendant aux Etats Unis puis en Palestine, en Angleterre et en Inde, en 1937. Ce voyage fut « un moment décisif dans sa vie ». Découvrant la spiritualité indienne, il étudia un système donnant autant de place au Bien qu’au Mal, deux concepts sans connotation morale. Il y rencontra des auteurs de traités sur le yoga et sur le culte Kâli à Calcutta qu’il synthétisa dans son ouvrage « Psychologie et orientalisme ». C’est à cette époque que Jung eut des prises de positions qui ont pu être jugées comme ambiguës.
En 1935 le corps médical britannique l’invita pour une série de conférences à Londres. Il y présenta sa théorie et la notion d’inconscient collectif ainsi que l’importance de la relation au sacré (religieux ou pas) du patient dans le cadre de la cure. En 1936 invité à Harvard, son discours fut reçu de manière mitigée. Accusé de sympathies nazies à cause d’un article sur « La psychologie de la dictature ». Il dit voir dans le président Franklin Roosevelt un dirigeant semblable aux dictateurs Hitler et Mussolini. Il assimile Hitler à un « instrument de l’inconscient collectif allemand » et affirme que « la politique allemande ne se fait pas, qu’elle se révèle à travers Hitler, porte parole des Dieux comme jadis ». L’idée qu’il serait pro nazi est encore renforcée par le fait que Jung se serait rendu en Allemagne en 1936 invité par Joseph Goebbels, chef de la propagande nazie qui aurait voulu son opinion sur l’état psychique des dignitaires du parti national-socialiste. Contrairement à Freud qui était vu par les nazis comme prônant une « science juive », la psychologie analytique de Jung était bien perçue par les nazis. Ils utilisaient le concept d’inconscient collectif dans un sens plus politique que scientifique pour justifier l’existence d’un inconscient racial justifiant le «lebensraum», politique territoriale qui justifiait que la patrie serait réservée aux seuls Allemands.
Jung est ambivalent. En 1936 il se trouve acculé à préciser sa position et explique que la psychothérapie ne peut être inféodée à une politique nationaliste. Selon l’historienne Elisabeth Roudinesco, Jung aurait été proche du nazisme puis aurait ensuite cherché à le taire. Précisons cependant que Jung, apprenant que Freud était en sécurité en Angleterre, lui aurait envoyé un télégramme de sympathie et qu’il serait devenu « passeur de Juifs » en exil vers la Suisse.
Fortement attaqué de son temps par les psychanalystes freudiens, il le fut aussi par la seconde génération de psychanalystes représentée par Donald Woods Winnicott ou Jacques Lacan. Dominique Bourdin, dans son livre « La psychanalyse de Freud à aujourd’hui » le critique ainsi : « Renonçant aussi bien au rôle de la sexualité infantile qu’au rôle organisateur de la crise oedipienne dans l’histoire singulière de chaque individu, Jung est sorti de la psychanalyse (…) Peut-être est-ce un prophète du retour au religieux indépendamment des églises traditionnelles (…) Il a délibérément quitté le terrain des sciences humaines et de la pensée rationnelle… »
Jung meurt paisiblement le 6 juin 1961 à l’âge de 85 ans. Il laisse une oeuvre multiforme et polysémique ( qui a plusieurs sens) à l’image de ce qui fut la colonne vertébrale de ses recherches: l’approche du symbole.
En savoir plus
En savoir + voir l’institut CG Jung de Belgique; et celui de Zurich, sa ville natale.
En « italique » « mes interprétations ou mes images parlantes »